jeudi 9 juin 2016

Shane Black



Shane Black est un excellent réalisateur qui se fait malheureusement trop rare derrière la caméra. Pour résumé rapidement, il réalise ses débuts en 2005 avec la sortie de Kiss Kiss Bang Bang (KKBB), un premier long-métrage qui obtiendra des audiences moyennes mais qui deviendra vite culte, quoi qu’encore très largement sous-coté. 8 ans plus tard, il passera par la case Marvel avec la réalisation d’Iron Man 3, une commande très carrée et calibrée bien que pas dénuée de personnalité. Il nous revient en 2016 avec The Nice Guys, un retour aux sources pour cet amoureux des buddy movies.

Car oui, Shane Black est passionné de buddy movies comme en témoigne ses débuts à  Hollywood où il s’est d’abord illustré en tant que scénariste de L’Arme fatale 1 & 2, Le Dernier Samaritain, Last Action Hero ou encore Au revoir, à jamais. Il affectionne tout particulièrement le genre et ce n’est donc pas pour rien que 2 de ses 3 long-métrages (KKBB et The Nice Guys) sont des références en la matière. Certains argumenteront même qu’Iron Man 3, dans une certaine mesure, en est un au regard de la relation que Tony Stark entretient avec un jeune garçon. Mais je n’irai pas sur ce terrain et pour les besoins de cette critique je ne m’intéresserai qu’à son premier et son dernier long-métrage, des purs buddy movies, aux nombreuses similarités, qui apportent un véritable vent de fraîcheur dans un genre éculé.  

Shane Black est un cinéaste de talent qui place dans toutes ses œuvres des thèmes et motifs qui lui sont chers : période de Noël, dialogues millimétrés débités à la mitrailleuse, sens du rythme incroyable, scénarios imbriqués et éclatés et personnages travaillés. Et bien qu’il se soit un peu fait bouffer par le système avec Iron Man 3, qui souffre d’une détestation bien injuste, le film demeure à ce jour une des seuls prods Marvel à s’attacher à ses personnages, à son intrigue, tout en lui offrant des dialogues dignes de ce nom.

Mais revenons aux buddy movies en s’attardant sur les similarités entre KKBB et The Nice Guys avant de rentrer dans une critique plus détaillée des deux œuvres. L’un des codes fondateur du buddy movie est de mettre en scène deux protagonistes aux personnalités diamétralement opposées afin que les ressorts comiques du film découlent de cette opposition. Le vent de fraîcheur de Shane Black, qui réinvente un genre qu’il a grandement participé à créer, vient du fait que ses deux personnages principaux (dans ses deux long-métrages) ne sont pas si contraires et antagonistes qu’on ne pourrait le croire. En effet, ce sont tous un peu des losers et des marginaux. Cette proximité de caractère va ainsi créer une réelle alchimie entre les deux acolytes et en faire des duos de choc qui fonctionne à plein régime. Leur divergence réside plus dans leur professionnalisme que dans leur caractère. En effet, dans les deux duos, on retrouve un personnage très professionnel et carré et un autre plus amateur et en dilettante et c’est sur ce contraste que va se fonder une partie de l’aspect comique du film. Au rayon des similarités, on retrouve également dans les deux films un scénario intelligent, complexe mais limpide, éclaté et imbriqué, qui, à la manière d’un puzzle, ne fera sens qu’au terme de la reconstitution. Il existe de nombreuses autres similitudes, plus minimes, que je listerai rapidement ici : la cité des anges, les détectives privés déglingués, les starlettes paumées ou encore les gangsters patibulaires et hauts en couleurs.

Kiss Kiss Bang Bang    

  













Pour son premier long-métrage, Shane Black nous offre ce qu’il sait faire de mieux : un buddy movie. Cependant voilà, comme il est le maitre incontesté en la matière, il peut se permettre de jouer avec les codes du genre. Pour commencer, il place le personnage de Robert Downey Jr (Harry Lockhart) dans le rôle du narrateur. En voix-off, ce dernier nous conte donc l’histoire après l’avoir vécu, en faisant parfois des retours en arrière dans sa narration car il a oublié certains détails. Ce mécanisme permet aussi à Shane Black de justifier l’utilité de toutes ses scènes puisque Harry Lockhart viendra nous rappelé leur côté indispensable. Le mécanisme n’est certes pas nouveau mais il fonctionne ici très bien car le narrateur joue avec son spectateur le relançant plusieurs fois et s'appuyant sur ses attentes et ses perceptions pour enrichir le récit.

Le script dépeint rapidement et pourtant en profondeur des personnages et un univers à la fois loufoque et crédible ou le moindre rebondissement ne paraitra pas incongrue... Et ça fonctionne au poil. Le film se base sur des personnages splendides, sorte de losers merveilleux perdus dans une jungle urbaine et humaine où tout peut arriver. Et effectivement tout leur arrive. Les rebondissements s'enchaînent à un rythme qui frise la perfection, jamais inutile et toujours jouissif. Du rythme, de l'émotion, du rire, de l'action.... Kiss Kiss Bang Bang résonne alors non plus comme un simple titre mais bel et bien comme une note d'intention, pleinement remplie. De plus il y a une vraie intrigue policière, complexe mais limpide à suivre où l’on ressent toute la discrète puissance d'un script travaillé, le genre de chose qu'on a plus forcément l'occasion de voir aujourd'hui dans le cinéma d'action et qui nous fait réaliser à quel point Shane Black manque au genre. Pleinement en phase avec son script Shane Black offre une réalisation au poil. Il sait toujours où poser sa caméra pour servir au mieux l'histoire et l'action sans jamais faire de compromis esthétique. Le film ne refusant pas la violence frontale, il offre de beaux moments de gunfights sec et efficace le tout servi par un montage aux petits oignons.

Point de fulgurances renversantes mais point de faiblesses ou de facilités grossières. Drôle, haletant, inventif, délirant, nostalgique mais moderne, porté par un duo d'acteurs au top de leur forme (le film à d'ailleurs remis en selle Downey Jr. qui tient là l'un de ses meilleur rôle)... Un film de pur divertissement complet et réjouissant. Une vraie réussite de bout en bout.

4/5


The Nice Guys















The Nice Guys rentre directement dans mon top 3 de 2016 aux côtés de The Revenant et Room. Avec ce film Shane Black revient donc à ses premiers amours pour notre plus grand plaisir après être passé, avec un succès très mitigé, par la case Marvel dans laquelle on soupçonne Robert Downey Jr de l’y avoir entrainé.

La première chose qui m’a marqué et qui m’a foncièrement plus dans ce film, c’est son humour. The Nice Guys est un pur bonheur. Je n’avais plus autant ri au cinéma depuis un bon moment. J’ai bien plus ri devant The Nice Guys que devant Neighbors 2 alors que le premier n’est pas marketé uniquement comme une comédie contrairement au second. Shane Black a cette faculté à faire de l’humour gauche et maladroit qui ne te sort pas du film et qui contribue même à rendre l’histoire meilleure. Il a le don d’écrire des personnages un peu empotés et stupides dont les traits ne paraissent pas forcés, arrivant ainsi à leur insuffler une vraie humanité. Et il parvient à en faire de même avec le comique de situation en entrainant ses personnages dans des situations loufoques qui nous paraissent toutes naturelles et spontanées. La force du film tient donc dans le fait de nous plonger dans un univers qui, malgré ces incongruités, nous semble tout à faire ordinaire et normal. Ce sentiment est renforcé par les années 70 qui constituent presque un personnage à part entière tant on se sent plonger dans l’ambiance funky et jazzy de cette décennie.

Une fois n'est pas coutume, le duo vedette est au cœur même de la réussite du film. Si toute la distribution est excellente (sauf peut-être Kim Basinger, sous-exploitée et inexpressive), c'est bien entendu le tandem Russell Crowe / Ryan Gosling qui tire son épingle du jeu. Le premier, marqué par les années et ayant dû prendre beaucoup de poids pour le film, est à la fois badass et touchant en cogneur, son rôle rappelant par moment celui qu'il tenait déjà dans le mythique L.A. Confidential. Le second, immense, étonne dans un total contre-emploi et fait preuve d'un génie comique, qu’on avait entraperçu dans The Big Short, et qu’il vient ici confirmer. Il parvient à ne jamais résumer son personnage à un simple loser. Mais la vraie surprise du casting vient d’Angourie Rice qui interprète la fille de Ryan Gosling et qui crève l’écran, volant presque certaines scènes au duo de star. Sa présence accentue encore plus humanité du film et apporte une relative innocence à l'ensemble, relative car c’est en réalité un personnage d’adulte dans un corps d’enfant ce qui constitue l’un des aspects comiques du film.

The Nice Guys est un mélange explosif d’action et d’humour concocté par un réalisateur trop rare derrière la caméra. Au milieu des productions réchauffées (et souvent merdiques), le vent frais porté par Shane Black est plus que bienvenue. Imaginé au début comme une série (dommage d’ailleurs car tous les ingrédients sont là), le film ouvre clairement la porte à un second volet et le moins qu’on puisse dire c’est qu’on en redemande.

5/5 

PS : Voici des liens vers des articles similaires sur les filmographie de Duncan Jones et Neil Blomkamp

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