jeudi 10 septembre 2015

Mr Robot




USA Network n’a pas vraiment le pedigree d’une HBO ou d’une Showtime. Avec son audience vieillissante et ses séries sans prises de têtes, on peut dire que Mr. Robot ressemble à une anomalie dans la matrice, un objet télévisuel sorti de nulle part, autour duquel ses producteurs ont su cultiver une véritable aura populaire. La série de Sam Esmail est surement l’événement du petit écran de cet été 2015. Ce n’était pas gagné, avec une attente inexistante précédant la diffusion anticipée de son pilote, un obscur scénariste à la tête du projet, Christian Slater en cyber-gourou, le tout sur une chaîne pour retraités. Personne n’aurait pu prédire que de ces bases improbables ressorte l’une des œuvres les plus conscientes de son époque de ces dernières années.

Dans une société où règnent l’imitation, la reproduction et la contrefaçon, Mr Robot fait figure d’oasis d’innovation et de créativité. Alors que le cinéma ne cesse d’enchainer les suites, les reboots et les remakes en tout genre, faisant preuve d’un manque d’imagination affligeant, le petit écran n’est pas moins épargné par ce fléau. Si les années 2000 nous avaient offert un vent de fraicheur agréable, les dernières productions télévisuelles sont de plus en plus formatées et identiques. Les sitcoms reposent sur les mêmes gags et les mêmes dynamiques, les superhéros débarquent en masse dans des séries aux intrigues analogues et on ne mentionnera même pas la pléthore de séries criminelles qui sont  d’une exigence télévisuelle consternante. Dans cette masse à l’analogie confondante, Mr Robot est un véritable plaisir, offrant quelque chose de nouveau. Il faudra cependant nuancer cette pseudo-nouveauté, au vu des nombreuses inspirations et références qui peuplent la série, on pense notamment à David Fincher. Tant dans la réalisation que dans le scénario, l’influence du réalisateur américain se fait nettement sentir.

Pour une fois, une fiction sur les white / grey / black hats est portée correctement à l’écran. On ne se retrouve donc pas en face d’un hacker qui appuie sur un bouton pour niquer le pentagone, avec des grosses têtes de mort partout. Soucieuse de paraître authentique, la série attache une attention particulière pour les détails (comme en témoigne le titre des épisodes par exemple) et parle d'informatique sans être trop con et sans faire en permanence n'importe quoi, le tout en demeurant relativement accessible pour le profane. Alors c’est sûr que le novice en informatique ne bitera pas tout mais l'amateur éclairé pourra se réjouir de voir que les codes du codage sont sensiblement respectés.

On dit que les séries télé sont en général un média de scénaristes, par opposition aux films qui serait un média de réalisateur. Il arrive quelquefois qu'un réalisateur de cinéma reconnu soit derrière une série, mais bien souvent, son implication se limite au pitch et à la réalisation du Pilote (Ex : House of Cards). Avec Mr. Robot on a l'exemple d'une série menée d'un bout à l'autre par une seule personne avec une vision forte qui se répercute sur le scénario, la réalisation, la B.O etc. On sent que l’on se trouve face à une œuvre personnelle.

Mr Robot, c’est un peu un Dexter 2.0. C’est l’histoire d’un geek asocial et apathique nommé Elliot qui assouvit ses besoins de hacker en essayant de rendre le monde un peu meilleur. Si Dexter rangeait ses trophées dans une boite sous la forme de prélèvement sanguin, Elliot classe quant à lui ses œuvres dans sa discographie sous la forme de CD. La série utilise le même procédé de questionnement interne avec l’utilisation d’une voix intérieure, à l’exception prête que les réflexions d’Elliot nous sont directement adressées puisque ce dernier s’imagine notre présence afin de ne pas glisser vers la folie. Car oui, Elliot n’est pas une personne comme une autre, outre ses capacités informatiques hors du commun, le jeune new-yorkais est avant tout un drogué qui semble avoir de profonds problèmes psychologiques. C’est le moment opportun pour parler de Rami Malek qui incarne le rôle principal de la série. Ce dernier est juste bluffant. Son regard éteint, son caractère absent, son maquillage de camé insomniaque, tout est parfait !  

La série est excellente jusqu’au 7ème épisode (compris), puis elle se dégrade progressivement durant les 3 derniers épisodes, s’accélérant d’un coup et s’engouffrant dans un foutoir sans nom. Le principal reproche que l’on peut donc faire à Mr Robot est de mal gérer son intensité dramatique. [SPOILERS] Le problème est qu’un renversement à la Fight Club comme c’est le cas dans l’épisode 8 n’est pas forcément adéquat dans une série. Le temps qu’une série prend à instaurer un univers et à développer des personnages ne peut pas être aussi facilement remis en cause par un changement de réalité. Le choc apparait alors trop important en raison du background conséquent que l’on a sur l’univers et les personnages. [FIN DES SPOILERS]. Les derniers épisodes laissent donc des regrets et des interrogations ne laissant pas présager le meilleur pour la saison 2.    

3.5/5


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