dimanche 13 septembre 2015

Arrested Development



Pour faire d’une voix-off omniprésente, omnipotente et impersonnelle, le pilier principal et la colonne vertébrale d’une série, il faut avoir de l’ambition. Surtout quand on sait que le moteur d’une série c’est ces personnages. Toute bonne série possède des personnages séduisants et captivants, que ce soit dans la complexité de leur construction, dans l’évolution de leur caractère, ou dans les deux réunis. Et fonder la réussite de sa série sur la capacité d’une voix-off à maintenir l’exigence et contenir l’attention du spectateur, c’est profondément ambitieux.

Mais vous ne me ferez pas dire ce que je n’ai pas écrit, les personnages d’Arrested Development sont qu’une qualité inouïe, tous travaillés et soignés avec talent. Ils sont des œuvres scénaristique de génie, gratinés et méga-friqués, bourrés d’imperfections, de fourberie et de faux-repenti et néanmoins d’une sincérité touchante. Cependant, plus on avance dans la série, plus on réalise que la voix-off qui sert de narrateur est le poumon du show. D’une voix monotone et d’un ton sec, le narrateur invisible nous décrit les événements en les contextualisant, corrige les erreurs, réinstaure la vérité, nous instruit à sa façon, tout en envoyant au passage un certains nombres de critiques acerbes et sarcastiques sur ce qu’il juge être la réalité ! Cette voix-off, c’est Ron Howard, producteur de la série et même acteur jouant son propre rôle dans certains épisodes.

Arrested Development, c’est littéralement l’arrêt de la croissance ou de la maturité. La série tâchera donc d’illustrer ce propos à travers la bêtise inconsciente, le manque de recul, l’irresponsabilité et la stupidité pure et simple de ces personnages. Pour vous contextualiser un peu la série, disons qu’elle nous raconte l’histoire d’une famille riche, Les Bluth, aux valeurs douteuses, qui essaye difficilement de remonter la pente vers une richesse inconsciente et facile. La série débute donc sur l’incarcération de George Senior (le père) et l’explosion d’un scandale autour de la fortune Bluth, qui plonge la famille, habituée à l’accès illimité d’argent, dans une situation inconfortable, une précarité fortunée ! Il faut savoir que la famille est faite d’egos démesurés, d’égoïsme forcement aigu, d’incapacité à s’entendre et de lien familiaux aussi fragile d’un billet de banque, et c’est bien là tout le cœur du propos. La famille n’en a jamais été une avant cette soudaine précarité, l’argent maintenant des relations courtoises et hypocrites, voire inexistantes (car c’est plus simple). La brusque insécurité de la leur situation financière va donc amener ces membres de la même famille, que peu de chose unit, à se côtoyer plus qu’ils n’en n’avaient l’habitude.

La série a connu un développement loin de tout repos. Réalisée par Mitchell Hurwitz, la série fut d’abord diffusée par la FOX (3 premières saisons), avant d’être annulée et d’être ressuscitée 7 ans plus tard par Netflix (4ème saison et 5ème à venir).  Si elle a connu outre-Atlantique un grand succès critique, en raison de son originalité et de son excentricité. Malgré six Emmy Awards et un Golden Globe et malgré des apparitions récurrentes d'acteurs tels que Ben Stiller ou Charlize Theron, l'audience américaine n'a pas été suffisante pour la FOX qui a décidé de réduire le nombre d'épisodes de la troisième saison (de 22 à 13) avant d'arrêter définitivement la série. On peut d’ailleurs constater que les épisodes de la troisième saison contiennent des allusions transparentes à l'arrêt programmé par la FOX. Pour la quatrième saison Mitchell Hurwitz a réussi le tour de force de réunir l'intégralité du casting original sept ans après l'arrêt de la série ; mais devant l'incapacité de réunir en même temps tout le casting pour l'ensemble de la saison, celle-ci est construite différemment, chaque épisode étant centré sur un personnage et construit selon son point de vue. Ce procédé complexe, très facilement casse-gueule, est une nouvelle preuve de l’ambition de la série.  

Outre la voix-off de Ron Howard, une originalité dans la narration de la série est la fin de chaque épisode, montrant ce qu'il va se passer « dans le prochain épisode… ». L'originalité vient du fait que les passages montrés ne font que référence à l'épisode qui vient de passer, montrant des suites d'intrigues pour amuser, mais la plupart des extraits montrés n’apparaissent pas par la suite.

Faite d’un humour caustique et déjanté et empreinte d’une débilité inventive, la série n’épargne personne et crache sur toute forme de moralité. On ne peut donc que se réjouir de l’annonce d’une cinquième saison par Netflix. Il nous faut plus de divertissements de qualité comme celui-ci, qui sont d’ailleurs plus d’un divertissement. En parlant de divertissement instructif, je vous conseille de regarder l’émission Last Week Tonight d’HBO (disponible sur Youtube), présentée par John Oliver, mon britannique préféré, qui est à mourir de rire.  

4.5/5

1 commentaire:

  1. Dommage que la quatrième saison n'aie pas réussi à retrouver complètement le ton vraiment déjanté des trois premières. Je dois avouer que je me suis beaucoup ennuyé en la regardant. Une saison 5 fait doucement peur...

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